L'usufruit et la nue-propriété dans les transactions immobilières : un cas complexe à déchiffrer

14 juillet 2023 à 14:27   •  Accueil » L'actualité du diagnostic immobilier
L'usufruit et la nue-propriété dans les transactions immobilières : un cas complexe à déchiffrer

Comprendre l'usufruit et la nue-propriété

Dans le domaine de l'immobilier, les concepts de nue-propriété et d'usufruit sont fréquemment rencontrés. Ces termes, issus du droit civil français, décrivent les différentes formes de propriété pouvant s'appliquer à un bien immobilier. Pour bien comprendre l'histoire que nous allons aborder, voici une petite mise au point...

L'usufruit, c'est quoi ?

L'usufruit est le droit d'utiliser un bien immobilier et d'en percevoir les revenus. Par exemple, si vous êtes usufruitier d'une maison, vous pouvez y vivre ou la louer et percevoir les loyers. L'usufruit peut être temporaire ou viager, c'est-à-dire qu'il se termine au décès de l'usufruitier.

Et la nue-propriété ?

La nue-propriété est le droit de propriété d'un bien dont l'usufruit est détenu par une autre personne. Le nu-propriétaire a donc la propriété du bien, mais ne peut ni l'utiliser ni percevoir de revenus de sa location tant que l'usufruit est en cours.

Une situation complexe...

Imaginons un cas où un usufruitier décide de construire une piscine sur un terrain dont il détient l'usufruit, la nue-propriété appartenant à une société civile immobilière (SCI). Un cas délicat se présente lorsque l'ouvrage se révèle défectueux...

Le déroulé des faits

Suite à la réalisation des travaux, la SCI s'est plainte de désordres et a procédé à l'assignation des constructeurs et de leurs assureurs en indemnisation. L'usufruitier, quant à lui, est intervenu volontairement dans le procès.

La Cour d'appel, cependant, a jugé l'action de la SCI irrecevable. Selon elle, la construction concernait un bâtiment indépendant, et non une extension du bâtiment dont la SCI est propriétaire. De plus, la SCI, en tant que nue-propriétaire du terrain sur lequel l'ouvrage a été construit, n'a pas encore récupéré la pleine propriété et n'a pas, elle-même, directement contracté avec les entreprises qui l'ont réalisé. Par conséquent, elle ne peut poursuivre en garantie décennale.

Le point de vue de la Cour de cassation

La SCI a fait valoir que la propriété du sol entraîne la propriété du dessus et du dessous et que le nu-propriétaire a la qualité de maître de l'ouvrage, même si c'est l'usufruitier qui a ordonné la construction de l'ouvrage. Cette argumentation n'a cependant pas été retenue.

En vertu de l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte effectivement la propriété du dessus et du dessous. Toutefois, le droit d'accession du nu-propriétaire du terrain sur lequel l'usufruitier édifie une construction nouvelle est régi par l'article 555 du même code et n'opère qu'à la fin de l'usufruit.

La Cour d'appel a conclu que l'usufruitier avait commandé et payé les travaux de construction de la piscine couverte, qui constituait une construction nouvelle pour laquelle il n'existait pas de convention réglant le sort de la construction. En conséquence, la SCI n'est pas devenue propriétaire de la construction, l'usufruit n'ayant pas pris fin.

La Cour de cassation a confirmé le raisonnement de la Cour d'appel : la SCI, n'étant pas propriétaire de l'ouvrage affecté des désordres, ne peut exercer l'action en garantie décennale.

Des cas comme celui-ci mettent en lumière la complexité du droit immobilier et sa capacité à générer des situations inattendues. Ils soulignent également l'importance d'une analyse juridique approfondie lors de l'achat, la vente ou la location d'un bien immobilier.